Ce projet est parti du constat que les historiens rencontrent souvent des difficultés pour rassembler des informations biographiques précises sur les acteurs économiques patronaux qu’ils rencontrent dans leurs travaux. Les sources biographiques classiques (annuaires en particulier) sont souvent très lacunaires, soit qu’elles omettent ces personnages, soit qu’elles ne traitent que de la dimension publique de leurs activités (mandats officiels, décorations, etc.). Sauf à disposer d’archives privées, il faut donc faire appel soit à des sources imprimées à la diffusion plus confidentielle (portraits notamment nécrologiques dans des bulletins d’associations d’anciens élèves de grandes écoles, de syndicats professionnels, d’organismes consulaires, etc.), soit à des fonds d’archives publiques (actes de l’état civil, déclarations de succession, actes notariés, actes de sociétés, dossiers de Légion d’honneur, etc.). Le nombre élevé et la diversité des acteurs concernés constituent un second obstacle puisque la population patronale n'est pas close comme celle des parlementaires et des préfets par exemple.

L'objectif du Système d'Information sur le Patronat Français et du présent site n'est pas de proposer un dictionnaire biographique composé de notices biographiques rédigées et inédites. Il ne s'agit pas non plus de développer une problématique spécifique au regard de la population appréhendée, les patrons. L'ambition est de mettre à la disposition de la communauté scientifique, mais aussi d'un public plus large, un outil de travail ouvert, aussi complet et fiable que possible, sans préjuger de l’usage que les chercheurs en feront. Il importe donc d’avoir la conception la plus large possible des informations biographiques recueillies sur les individus. Toutes les données sont donc susceptibles d’être rassemblées, qu’il s’agisse de la trajectoire familiale, de la formation, des activités professionnelles, des pratiques sociales, des opinions ou des croyances. L’instrument n’est pas au service des seuls historiens de l’économie, il doit aussi pouvoir répondre aux besoins de l’historien du social, du politique, du culturel, du religieux ou des relations internationales. Les portraits et autres documents collectés sont mis à disposition sous leur forme originale, soit sous la forme d'une image, soit sous la forme d'un document de type .pdf texte le reproduisant fidèlement. L'information n'est ainsi pas sélectionnée. Il s’agit aussi de refléter les représentations du monde patronal de l’époque.
Le système repose sur une base de données relationnelle permettant pour chaque individu à la fois l’intégration de documents numérisés, l'indication de références bibliographiques ou archivistiques et la saisie de différents éléments biographiques. Il autorise également des interrogations sur diverses variables.

La population concernée

La population concernée est appréhendée dans une acception aussi large que possible, même si des limites sont nécessaires. Peut être intégrée dans la base Patrons de France toute personne ayant été, au moins à un moment donné de sa vie, à titre principal ou secondaire, détentrice d’une fonction dirigeante dans une entreprise privée ou publique fournissant des biens ou des services de nature commerciale sur le territoire français (dans ses frontières de l’époque, monde colonial inclus). On ne s’arrête pas ici à la définition juridique du patron ; sa perception sociale est privilégiée, en retenant aussi bien l’entrepreneur propriétaire que le gérant, l’associé, l’administrateur, le membre de la direction – «générale» ou pas (mandataire social ou cadre dirigeant salarié) – ou le directeur d’un établissement local (usine, succursale, etc.). Il n’y a pas a priori de seuil minimal quant à la taille de l’entreprise considérée, mais, en pratique, la nature des sources dépouillées privilégie ceux qui disposent d’une certaine notoriété dans leur profession, et exclut généralement l’artisanat, le petit commerce. Est également intégrée toute personne ayant été responsable d’une organisation patronale (syndicat professionnel ou organisme consulaire), même si c’est à titre de « permanent » sans lien avec une entreprise.

Le cadre chronologique retenu

La base ne s’inscrit pas non plus dans un cadre chronologique rigide, mais la nature des populations concernées par la première phase du projet (anciens élèves de grandes écoles créées pour la plupart à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, pour la plupart décédés) explique qu'a été privilégiée, au moins dans un premier temps, la période de la seconde industrialisation (1880-1970). Pour la période postérieure, des sources de grande diffusion sont disponibles (éditions successives de l’annuaire biographique Who’s who in France, articles de la presse d’affaires et, plus récemment, informations biographiques mises à disposition par les entreprises sur leur site internet).

Les fonds dépouillés

Les fonds progressivement dépouillés guident la composition de la base. Une personnalité même de premier plan peut ne pas y figurer pour l’instant. En revanche, l’utilisateur doit être assuré que toute personne correspondant à la définition retenue du « patron de France » ayant fait l’objet d’une présentation biographique dans les sources annoncées comme dépouillées jusqu’à maintenant a bien été intégrée dans la base, sous réserve que les indications fournies aient permis de l’identifier comme un patron. La mention de la nature et de l’ampleur (avec la période traitée et les éventuelles lacunes dans les exemplaires consultés) des collections dépouillées et intégrées à ce jour dans la base est donc régulièrement actualisée sur le site.

Dans un premier temps, un dépouillement systématique des bulletins des associations d'anciens élèves d'écoles relevant aujourd'hui de l'enseignement supérieur (écoles d'ingénieurs ou écoles supérieures de commerce pour l'essentiel), généralement très riches en portraits, est effectué de l'origine des collections au moins jusqu'aux années 1970. Ces bulletins ont été recherchés systématiquement, établissement par établissement, dans le répertoire des périodiques dans les bibliothèques françaises (intégré au catalogue collectif en ligne www.sudoc.abes.fr). Presque tous les établissements concernés disposent d'une association d'anciens élèves ayant édité, de manière plus ou moins régulière, un bulletin. Le travail a commencé avec des collections disponibles à Lyon (écoles des Arts et Métiers, HEC, École centrale de Lyon, École supérieure de chimie industrielle de Lyon, école supérieure de commerce de Lyon). Il a été poursuivi avec les collections centralisées à la Bibliothèque nationale de France : même si les exigences du dépôt légal n'ont pas toujours été respectées pour ces publications destinées en principe aux seuls adhérents des associations concernées et s'il existe des lacunes, les collections y sont très riches et étendues. Dans un premier temps, les écoles supérieures de chimie ont été dépouillées. Les autres écoles d'ingénieur et les écoles supérieures de commerce seront traitées ensuite. Lorsque les fonds n'existent pas ou sont lacunaires à la BNF ou dans d'autres bibliothèques ou centres d'archives publics, il a été fait appel à l'aide des associations elles-mêmes susceptibles d'avoir conservé des collections plus complètes.

C'est notamment le cas de la Fondation des Arts et Métiers qui possède une collection complète des bulletins techniques et administratifs depuis sa création, en 1846. Grâce à elle nous avons pu disposer des bulletins administratifs (ceux qui comportent des notices nécrologiques) entre 1880 et 1980. L'ensemble des notices a été numérisé.

Ces bulletins s'avèrent, selon les écoles et les périodes, d'une richesse inégale en portraits. La forme nécrologique est la plus répandue. Certains bulletins publient des notices plus ou moins détaillées à l'occasion du décès des membres de l'association, ou du moins des plus actifs ou des plus en vue ; d'autres se contentent plus souvent d'une simple annonce de décès. Parfois des portraits sont publiés du vivant de la personne, par exemple à l'occasion de promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur. On trouve aussi des notices nécrologiques de personnalités extérieures au cercle des anciens élèves, directeurs et enseignants de l'école bien sûr, mais aussi industriels bienfaiteurs de celle-ci par exemple.

Les portraits repérés dans ces bulletins sont systématiquement recensés, mais seuls ceux répondant a priori à la définition retenue du patron sont intégrés dans le système d'information avec la reproduction du document correspondant.